Godard (déjà) debout
Le film prétend montrer "15 faits précis" annoncés par des cartons. Ces derniers sont aussi utilisés à des fins de commentaire et l'un d'entre eux livre la célébrissime formule qui servira de définition à toute une génération hésitante entre une conscience politisée et l'insouciance : "Les enfants de Marx et du coca cola. Comprenne qui voudra." Un autre dit : "Le philosophe et le cinéaste ont en commun une certaine manière d'être, une certaine vue du monde qui est celle d'une génération". Perce là l'idée de Godard selon laquelle le monde n'est beau que si on arrive à le penser. Le philosophe pense en donnant du sens, le cinéaste pense en donnant une forme. Le but est de présenter la trace de l'effort vers la saisie de ce réel. Il faut "faire rendre gorge à la réalité" comme le dit Godard à cette époque.
L'expression des sentiments est donc passé à la moulinette des questions :"Et à quoi vous pensez là ?", "Qu'est ce que c'est pour vous le centre du monde ?". Ces deux phrases sont extraites d'un dialogue amoureux entre Paul et Madeleine. Paul est le questionneur du film : il interwieve "Mademoiselle dix neuf ans", il fait son éducation politique auprès de Robert, son ami syndiqué et sonde la population française.
La perplexité du cinéaste par rapport aux moyens d'investigation mis en oeuvre dans les films est ici évidente. Le constat de Paul est bien celui de Godard quand, juste avant l'interrogatoire où l'on apprend sa mort, il conclura sa confession par ses mots: "La sagesse, ça serait si on pouvait vraiment voir la vie, vraiment voir. Ça serait ça la sagesse."
Scènes remarquables : "Le palais des sports, s'il vous plait ? " C'est à l'autre bout de Paris." "Qu'est-ce que tu fais ?" "Je me mets à sa place. On dit que pour comprendre les gens, il faut se mettre à leur place, la preuve que c'est faux." Paul n'arrivant pas à se déclarer à Madeleine dans un café plein de gêneurs, le bombage de la voiture américaine, la voiture pour le général Doinel.