Béatrice Dalle est encore adolescente lorsqu'elle décide de quitter Le Mans, ville où elle a grandi, pour rejoindre la capitale. Un mannequin rencontré sur les Champs-Elysées lui propose bientôt de poser pour le magazine Photo, dans le cadre d'une série sur les lolitas. En une de la revue, le cliché est remarqué par l'agent Dominique Besnehard, qui recherche une jeune inconnue pour donner la réplique à Jean-Hugues Anglade dans 37°2 le matin de Jean-Jacques Beineix. Stupéfiante de naturel dans le rôle de l'impulsive et fragile Betty, la comédienne aux lèvres pulpeuses est promue, grâce au succès international du film, nouveau sex-symbol du cinéma français. Après ces débuts fracassants, Béatrice Dalle se voit proposer des films qui exploitent avant tout sa plastique (La Sorcière de Bellocchio, Les Bois Noirs), mais des metteurs en scène exigeants révèleront peu à peu une comédienne inventive au jeu intense. Partenaire en 1990 d'Isabelle Huppert dans La Vengeance d'une femme, âpre huis clos de Doillon - le cinéaste auprès de qui elle dira avoir le plus progressé -, elle est également choisie par la fine fleur du cinéma indépendant américain, tournant avec Jarmusch (elle campe une aveugle clairvoyante dans Night on Earth) et Ferrara (The Blackout). L'actrice à la présence animale devient une figure familière de l'univers nocturne et sensuel de Claire Denis, de J'ai pas sommeil à L'Intrus, en passant par Trouble every day, récit d'une passion dévorante qui secoue la Croisette en 2001. S'autorisant quelques incursions dans des oeuvres plus grand public (La Belle histoire de Lelouch en 1992, La Fille de l'air, d'après l'histoire vraie de Nadine Vaujour), l'insoumise Béatrice Dalle, devenue une égérie du cinéma d'auteur (Dix-sept fois Cécile Cassard en 2002) déclare en 2004 à Libération : "Je ne lis jamais les scénarios, je ne connais pas le casting d'un film avant de le choisir : la seule chose qui compte, c'est le metteur en scène qui me demande de le rejoindre. Je veux des fortes personnalités, c'est mon seul critère de choix." C'est ainsi qu'elle part au Japon tourner dans une audacieuse relecture de Hiroshima mon amour (le quasi-expérimental H Story de Nobuhiro Suwa), et joue volontiers des rôles secondaires, pourvu que ceux-ci lui soient confiés par des artistes de la trempe de Haneke (Le Temps du loup) ou Assayas (Clean, en 2004).
La comédienne semble aussi affectionner le cinéma de genre puisqu'on la retrouve en 2007 en compagne du Truands Philippe Caubère dans le polar de Frédéric Schoendoerffer et en héroïne d'un film d'horreur particulièrement gore (A l'intérieur). Par la suite, on la voit à l'affiche de comédies dramatiques telles que Tête d'or (2007) de Gilles Blanchard, Les Bureaux de Dieu (2008) de Claire Simon et Domaine (2010) de Patric Chiha, film dans lequel elle interprète une mathématicienne dépressive.
En 2011, l'actrice accélère les projets et apparaît dans pas moins de trois productions, dont Jimmy Rivière, un film sur la communauté des gens du voyage, ou dans le très violent Notre paradis, sur les amours difficiles d'un couple homosexuel et criminel. Elle renoue également avec le registre horrifique après A l'intérieur, en retrouvant le duo de cinéastes Julien Maury et Alexandre Bustillo pour Livide, où elle côtoie la danseuse étoile Marie-Claude Pietragalla. Toujours adepte de projets forts, originaux et polémiques, Béatrice Dalle rejoint l'année suivante l'adaptation cinématographique du roman de Virginie Despentes par elle-même, Bye Bye Blondie, dans lequel elle partage l'affiche avec Emmanuelle Béart.