Un père auvergnat et chef de traction à la compagnie des tramways, une mère lingère. Avec la guerre de 1914, elle perd son amoureux, un garçon dont les yeux étaient si bleus qu'on l'appelait "Ciel". "C'est décidé, dit-elle alors : je ne me marierai jamais, je n'aurai pas d'enfant, ne serais ni veuve de guerre, ni mère de soldat." Malgré la cour empressée que lui feront notamment Sacha Guitry et l'Aga Khan, elle tiendra parole. Sténo, puis mannequin, elle commence à chanter au music-hall avant de jouer au théâtre en 1920 ("mon vrai métier : le cinéma, j'en ai fait bien plus tard"). En 1930, elle débute devant les caméras dans La douceur d'aimer de René Hervil et ne tarde pas connâître la gloire. Gouaille, humour, gentillesse, elle fait merveille dans des comédies comme Fric-frac ou Circonstances atténuantes, et elle éblouit quand Marce Carné la dirige dans Hôtel du Nord ("Atmosphère, atmosphère, est-ce que j'ai un gueule d'atmosphère !... "), Le Jour se lève, Les Visiteurs du soir et bien sûr Les Enfants du Paradis où elle sera l'inoubliable Garance. Jacques Prévert et Henri Jeanson lui peaufinent sur mesure des répliques qui, dans sa bouche, appartiennent d'emblée à l'histoire du cinéma. Sa carrière sera en partie brisée à Ia Libération parce qu'elle est tombée amoureuse durant l'Occupation d'un officier allemand. Elle aurait répondu : "mon coeur est français mais mon cul est international ! ")... Le cinéma ne lui offrant plus le grands rôles de l'avant-guerre, elle revient au théâtre mais, menacée de cécité, elle tourne son dernier film en 1962, Le Voyage à Biarritz de Gilles Grangier où elle a Fernandel pour partenaire, et abandonne la scène en 1966 alors qu'elle joue Les Monstres sacrés de Cocteau. Figure mythique de l'âge d'or du cinéma français, quelques bons mots la résument: " Le théâtre a été mon luxe le cinéma mon argent de poche..." et, sur 1944, "Gaulliste ? Non, gauloise..." Elle aurait dû être notre Garbo ou notre Marlène Dietrich; une épuration imbécile la condamna. Mals elle demeure notre plus grande actrice parce que, dit Jeanson: " Comme Colette. elle a inventé son style et qu'elle s'est trouvée sans se chercher. " Et d'ajouter que I'on dira encore longtemps: " Tiens ! Arletty ! ".