Fantaisie cosmique en 14 chapitres
Il y a bien, bien longtemps, dans une lointaine galaxie… à moins que ce ne soit au tournant des 60's, ou peut-être bien aujourd'hui ou alors dans un futur plus ou moins proche… bref. Toujours est-il que, dans un temps indéterminé, un vaisseau spatial croise, quelque part dans l'univers, en pilotage automatique, et que les sept membres de son équipage, après une longue cryogénisation, sont un à un ranimés. On se met aisément à leur place : au sortir d'un sommeil artificiel sans doute un poil trop long, se réveiller dans le décor de Star Trek sans trop savoir ce qu'on y fait, ni qui on est, ni quels sont le but et la destination de l'entreprise, il y a de quoi, au minimum, être perplexe. « Qui suis-je ? Où vais-je ? Dans quel état j'erre ? » Ils ne savent pas grand chose, donc, mais s'identifient assez facilement : les sept spationautes des deux sexes ont au minimum une fonction (chercheur, toubib, reporter, généticien…) et, dans leur quête métaphysique commune, tâchent d'échanger des hypothèses sans toujours se comprendre – tout en essayant de percer le mystère des êtres qui curieusement les accompagnent, chien, chimpanzé, amibe, fantôme…
Pour se faire une (petite) idée ce qu'est Cosmodrama, il faut imaginer le Peter Sellers deThe Party qui viendrait dynamiter de l'intérieur le bel ordonnancement rigoriste duSolaris de Tarkovski – ou peut-être un remake de 2001 par Luc Moullet avec les Monty Pythons… Ce qui est sûr et certain, c'est que dans une époque où en matière de SF, uniformisée au possible, le cinéma a largement sacrifié la science au profit de la fiction, tout entier tendu vers une surenchère pyrotechnique barbouillée de réalisme numérique, Cosmodrama est une véritable bouffée d'oxygène. On s'était enthousiasmé pour le précédent long métrage de Philippe Fernandez (après avoir aimé et montré tous ses courts…), Léger tremblement du paysage, comédie réjouissante en même temps que hautement improbable, intégralement écrite et filmée dans les marges du cinéma contemporain, qui posait solidement les bases de la « filmosophie » revendiquée par le réalisateur : « un cinéma qui se donnerait pour objectif de faire réfléchir le spectateur, d'activer son intelligence… En tant que mot-valise et calembour, c'est aussi un vocable assez drôle, qui indique que, même si l'entreprise est sérieuse, je ne me prends pas au sérieux et qu'on risque même de s'amuser en regardant mes films… »
Avec Cosmodrama, Philippe Fernandez creuse le même sillon d'humour faussement désinvolte mâtiné d'un très réel désir de partager quelques menues connaissances métaphysiques. D'un kitsch extrêmement sobre (Cosmodrama appelle l'oxymore), sans jamais céder à la facilité du second degré de connivence, les décors, costumes, photo, intertitres, bande son du huis-clos sont absolument épatants. Les acteurs, tous impeccables, se et nous régalent à se renvoyer des considérations marabout'ficel'de'ch'val aux frontières de la pataphysique. Jusqu'au questionnement co(s)mique final, vertigineux. C'est drôle, très drôle. Et c'est intelligent, c'est excitant pour les méninges et en plus, vous verrez, c'est d'une qualité plastique rare…