Après Le Déjeuner du 15 août etGianni et les femmes, le multi-casquettes Gianni Di Gregorio (scénariste, réalisateur, acteur) revient pour nous donner des nouvelles de son petit monde, de sa philosophie de la vie : au-delà des rires, des badineries débonnaires, perce une belle générosité, une vision fine de l’humanité, tendre et lumineuse.
Citoyens du monde, c’est l’histoire de ceux qui rêvent de partir à sa conquête sans quitter leurs pantoufles. L’histoire d’une bande de papis hauts en couleurs, dignes d’un western spaghetti, mais sans chevaux, ni cowboys… Un road movie, mais sans the road, qui va débuter dans le Trastevere, joli quartier de Rome dont l’authenticité, « Au-delà du Tibre », résiste encore à la gentrification, même si la lutte est forcément perdue d’avance… mais c’est une autre histoire ! En attendant, le film de Gianni Di Gregorio nous plonge avec délectation dans cette ambiance italienne bienveillante et rigolarde des quartiers populaires avant qu’ils ne tirent leur révérence. Cette farce « al dente », qui vaut son pesant de répliques hilarantes, est traversée par une sorte de « saudade » romaine, une manière de dandysme dilettante, solaire et élégant. Tout comme l’est « le professeur » avec ses airs de cocker craquants, hors d’âge. Il fait partie de l’engeance des grands mâles désabusés après une vie sans tempête, qui continuent de la traverser avec des airs d’éternels célibataires déconcertés. Les femmes ? À quoi bon ? Il y a presque renoncé, pas très sûr d’être un de ces princes charmants dont elles puissent rêver, préférant observer timidement sans mot dire ces impressionnantes créatures… Que lui reste-t-il donc, à ce retraité de l’éducation nationale, pour combler le vide de ses journées sans vagues ? Des livres, des rêveries, quelques citations latines, l’espérance d’avoir servi à quelques élèves et surtout… le petit vin blanc à l’heure de l’apéro, au café du coin, rare espace de socialisation accessible à sa bourse, et encore… Sous la pression immobilière, les touristes, tout ne cesse d’augmenter. Ici l’on croise quelques têtes connues et spécialement ce flemmard de Giorgetto qui n’a rien glandé de toute sa vie et se raccroche aux branches des minima sociaux. Toujours fauché, encore plus que les autres qu’il n’arrête pas de taxer, surtout le professeur qui ne sait pas trop dire non, bien que sa retraite soit presqu’aussi maigre que ces fameux minimas sociaux… Ma ché ! Il faut faire avec et prendre ce qui vient. Va pour Giorgetto !
Il faut dire que les amis se font rares. Avec le temps ils se sont envolés vers d’autres cieux à moins que ce ne soit vers des îles paradisiaques, où le coût de vie est si bas que leurs maigres pensions les font passer pour des nababs… En voilà une idée ! Et nos deux compères vont forcément essayer de la rattraper au vol. Mais comment organiser un départ au bout du monde quand on n’a jamais dépassé les portes de Rome ? Leur périple commencera donc en proche banlieue à la recherche de conseils, à la rencontre d’un troisième larron, Attilio, l’homme à la moto, puis d’un quatrième fort érudit… Jusqu’où cela les mènera-t-il ? Eh bien, vous avez quoi ? On ne vous le dira pas !
En filigrane, le réalisateur ne se prive pas d’égratigner les pesanteurs de la bureaucratie italienne, pas si lointaine de la nôtre, et franchement après ça on se sent moins seul. Au fond, s’il fallait tirer une morale de cette fable pleine d’authenticité, ce serait : « Dindons de la farce de tous les pays, unissez-vous, ça ne peut pas faire de mal. »